Before midnight, before sunset or before sunrise - autant d'avant(s) pour que l'amour se déploie. Destin ou hasard amoureux? La trilogie de Richard Linklater, de fait co-écrite avec les deux acteurs principaux, Ethan Hawke et Julie Delpy, tente une réponse, intensément poétique, souvent drôle, et merveilleusement romantique. Il n'y a aucune mièvrerie dans cette entreprise artistique rare - trois films tournés chacun à au moins 9 ans l'un de l'autre, mettant en scène le même couple, improbable au départ, et au bord d'être défait ou au contraire ressoudé à l'autre bout de la séquence. Les dialogues sont au centre de ces trois films qui auraient pu être des pièces de théâtre. L'unité de lieu nous emmène de Vienne dans le film de 1994 lorsque Jesse et Céline ont 23 ans, à Paris pour celui qui se déroule en 2004, et la Grèce en 2013. Il s'agit de conversations profondes, intellectuelles en partie, et surtout pleines d'humour et d'esprit. Les personnages se cherchent, se trouvent, et risquent toujours de se perdre. Le réalisateur est charitable avec son public, il reste toujours dans la suspension, et les fins sont ouvertes. La plus grande partie du temps se concentre sur le couple discutant - en voiture ou en ballade, permettant aux acteurs de faire preuve de leur grand art, et au cinéaste des scènes sans coupure de plus de huit minutes. Le sujet du film est cette conversation, fascinante, qui ne fait que renforcer la magie de la rencontre, jamais acquise. C'est après avoir vu before midnight que j'ai regardé les deux autres. Les films s'éclairent les uns les autres, mais commencer par le dernier est aussi judicieux que de voir le premier d'abord. Before midnight donne à voir et encore plus à entendre l'extraordinaire force d'une relation et sa fragilité ultime, c'est une restitution particulièrement sincère des jeux de rôles et interprétations auxquels nous nous livrons sans cesse et nous piégeons mutuellement. Mais c'est aussi un ode au désir et au sentiment qui durent malgré leurs intermittences. Il y a dans le film une scène magistrale, lors d'un repas sur la terrasse d'une propriété paradisiaque dans le Péloponnèse. Huit personnes, représentant trois générations et parmi lesquelles se trouvent 3 couples, disent ce qu'est pour eux l'amour. Vient alors ce moment fabuleux, ou la plus âgée, qui est veuve, se met a parler de son époux défunt, de la "seconde perte", lorsque la mémoire de l'autre se met à flancher, et qui dans le partage très simple de son expérience, dit la profondeur de l'attachement. Before midnight n'idéalise pas l'amour, loin s'en faut, mais pointe sa mystérieuse beauté, son éphémère éternité qui ne cesse de nous captiver, d'orienter et de bousculer nos vies...bref, de très bons moments à passer dans une salle noire ou devant un écran, quelle que soit sa taille.