vendredi 18 juillet 2014

New York New York

Times square: suffocation et magnétisme - les sardines humaines se pressent, hébétées devant les écrans géants, dans la réalité irréelle de ce décor de cinéma grandeur nature, foule asservie aux marchands du temple de la consommation démesurée; les enfants s'enfournent dans la grande roue intérieure du grand magasin de jeux, tournent, et retournent, ne savent plus où regarder, attirés par ci et puis par là, excités au point de l'énervement par la pléthore alléchante de choses ; dehors la foule déambule débonnaire entre les marionnettes de Sesame street tandis qu'un peintre de rue harnaché d'un masque de martien manie la bombe à couleurs acryliques avec une dextérité étonnante, qui épate les badauds ; d'autres plus tranquilles patientent pour obtenir un ticket au rabais pour un show sur Broadway ; nous enfin, guettons la bonne porte pour un de ces lieux de cocagne où l'on peut dépenser son argent et son temps dans une arcade, sous la lumière artificielle, à se divertir de jeu en jeu...Times square est une torture physique pour tout agora-phobe (dont je suis) et pourtant elle attire comme un aimant...je fuis dans la lecture, sur la banquette du café où je me suis réfugiée, m'accroche aux phrases de F. Scott Fitzgerald, les dernières de la nouvelle 'The Sensible Thing': "Well, let it pass, he thought; April is over, April is over. There are all kinds of love in the world, but never the same love twice. "
Central Park: l'anti-Time square, en dépit du monde...le poumon de la ville, le coup de génie salvateur d'urbanistes visionnaires du 19ème siècle auxquels je voue une reconnaissance éperdue, le lieu où je peux reprendre mes esprits perdus dans le tourbillon de la ville et les entrelacs de ma mémoire, réchapper des souvenirs qui s'entrechoquent, d'avoir tant vécu ici, dans la dimension intime et au niveau collectif (voire planétaire). Trois enfants surgis entre ces gratte-ciels insensés, grandis entre trois langues, habitués des rues en damier et des voitures de location. Je suis aussi de ces New Yorkais qui n'oublieront jamais le 11 septembre 2001, qui ont suivi les métamorphoses et les psychoses de la ville, comme de celles qui ont fréquenté jusqu'à l'overdose les aires de jeux et les bacs à sable, ont arpenté pouce à pouce les trottoirs spacieux de leur quartier, enfants devant ou derrière, en poussette ou à pied, ont visité  musée après musée, quand ils étaient encore bébés et dociles, ont guetté l'heure pour courir se régénérer aux sources merveilleuses de la musique dont les meilleurs interprètes passent, pour ainsi dire tous, dans ce coin de la planète - Carnegie Hall, Lincoln Center, Village Vanguard et bien d'autres....et pourtant New York reste une météore, un objet céleste et funeste à la fois, un univers intensément familier et tout à la fois irrémédiablement étranger, un port d'attache et un repoussoir, passage et destinée....