dimanche 14 avril 2013

Mirages beyrouthins


Cliché, mais vécu.  Je pleure Beyrouth, que je viens de quitter – ville paradoxale dont les contrastes innombrables donnent le vertige. Beyrouth est laide au premier abord – une champignonnière d’immeubles sans forme à flanc de montagne, un immense désordre, un cadre exceptionnel défiguré. Beyrouth est belle pourtant. On ne peut que se laisser envouter par l’identité insaisissable et multiple d’une construction impossible juxtaposant les contraires les plus opposés. Beyrouth mêle l’extrême richesse et l’abjecte pauvreté, le matérialisme triomphant et la grande piété, la douceur de vivre et la violence sociale. Les balafres encore visibles de la guerre civile s’offrent à voir ci et là. La guerre a éventré le centre ville, à jamais éviscéré de la vie ancienne qui pulsait dans des souks disparus et remplacés par des centres commerciaux policés mais sans âme. Où ailleurs peut-on voir côte-à-côte une église maronite,  une autre grecque catholique, une troisième orthodoxe, une mosquée Sunnite, une autre chiite? Beyrouth est pleine de scandales – la misère des camps palestiniens, la corruption, l’ineptie de l’état. Mais c’est prodigieux, l’incarnation d’une aporie et d’un vivre ensemble tout à la fois.  Ville phénix aussi, relevée de ses cendres. Je déambule dans les rues aux senteurs printanières, dans un air plus léger que l’air, voyant partout le signe qu’il est temps comme la nature de revivre. Et Beyrouth me transporte de sensations – douces et intenses- rassemble amis d’hier et d’aujourd’hui, échos du passé et portes vers l’avenir. Beyrouth bruisse du mystère de sa propre résurrection, rongée par un communautarisme qui voue le pays à un équilibre de funambule, au fil du rasoir, dans un vide de citoyenneté commune. Et pourtant dans le roulis de l’histoire, Beyrouth a des allures de rencontre avec le destin. Envers et contre tout, cette ville me porte à l’espoir.  

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