J’ai passé deux
mois sans lire. Et puis, enfin, j’en ai sorti un de la pile des ouvrages
accumulés depuis l’été – un des quatre finalistes du Goncourt, celui qui, au départ,
ne m’attirait pas : un titre trop austère, d’un auteur dont j’ignorais tout et
qui, contrairement aux trois autres, ne parlait pas de monde arabe, bref celui
qui m’était de tous le plus étranger.
Il y a une
semaine à peine, j’ai donc finalement ouvert “Titus n’aimait pas Bérénice” – et
je me suis laissée emporter. -“ que le jour recommence et que le jour finisse, sans que jamais Titus puisse voir Bérénice”. La magie littéraire opérait à nouveau sur moi –
elle me rencontrait, faisait écho à mon propre tumulte, à mon enquête
intérieure, à mes interrogations sans fin sur l’amour, et à ma passion des mots. Jean Racine, personnage central, est un héros improbable – un poète courtisan et janséniste, vaniteux et
spirituel, saturé d’aspirations bourgeoises et brûlant de passion – une oxymore
à lui tout seul. Le livre de Nathalie
Azoulai le montre dans toute la crudité et la cruauté de ses
contradictions, qui apparaissent pour ce
qu’elles sont – la pince vitale, l’étincelle originelle, sans laquelle il n’est
aucun feu, aucune vie, aucune écriture vraie.
Il ne se libère pas du conflit, mais il le sublime.
Plus qu’aucun autre, il met le mystère amoureux au centre – lui donne la première place. Il fouille les entrailles du chagrin, de la séparation - “ mon âme loin de vous languira solitaire”. Sans mièvrerie, il entre dans le sentiment, son épreuve la plus profonde. Le langage, pesé, épuré, devient une lente coulée vers l'indicible. La vérité du soi s'apprend dans son dépassement- "Je suis venu vers vous sans savoir mon dessein. Mon amour m'entraînait, et je venais peut-être Pour me chercher moi-même, et pour me reconnaître". Tout se joue dans l'altération. La rencontre est à ce prix. L'ordre et le monde social aussi, en mouvement contraire. Racine, sous la plume de Nathalie Azoulai, met à nu l'intransigeance amoureuse et religieuse, dans un contraste vertigineux avec la mondanité de la cour, qu'il idolâtre pourtant. Ecartelé, il butte, il ne résout rien. Il tranche. Il magnifie la douleur, la transfigure, ramène à la question essentielle. Aimer, être aimé – qu’est–ce à dire ?
Plus qu’aucun autre, il met le mystère amoureux au centre – lui donne la première place. Il fouille les entrailles du chagrin, de la séparation - “ mon âme loin de vous languira solitaire”. Sans mièvrerie, il entre dans le sentiment, son épreuve la plus profonde. Le langage, pesé, épuré, devient une lente coulée vers l'indicible. La vérité du soi s'apprend dans son dépassement- "Je suis venu vers vous sans savoir mon dessein. Mon amour m'entraînait, et je venais peut-être Pour me chercher moi-même, et pour me reconnaître". Tout se joue dans l'altération. La rencontre est à ce prix. L'ordre et le monde social aussi, en mouvement contraire. Racine, sous la plume de Nathalie Azoulai, met à nu l'intransigeance amoureuse et religieuse, dans un contraste vertigineux avec la mondanité de la cour, qu'il idolâtre pourtant. Ecartelé, il butte, il ne résout rien. Il tranche. Il magnifie la douleur, la transfigure, ramène à la question essentielle. Aimer, être aimé – qu’est–ce à dire ?
Extraits:
“ Les anciens le
savaient. Il n’est aucune élégie ni tragédie sans les mers. C’est une chose de
le lire, une autre de le sentir. Autrefois il ne visualisait l’élégie qu’en fonction
des fleuves et des rivières, selon une pente, un écoulement, un courant
dynamique. A présent, c’est aussi une étendue plane qui sépare de ce que l’on désire,
une masse qui engloutit ce que l’on perd, un regard qui pleure l’autre bord
sans pouvoir le rejoindre.”
"Je rêve d’une antithèse
cruciale, qui dirait le coeur des hommes, pas seulement le choix qu’ils doivent
faire à un moment donné, mais la croix qui les traverse, le conflit, leur nature
profonde.”
“ Il se répète,
par exemple, que l’errance de Didon est encore plus douloureuse que la sienne
(…) l’abandon pur et simple vous retire tout d’un coup en jetant sur le tout
premier serment la lumière noire du mensonge. (…). S’il parvenait pourtant à mettre des mots à lui sur cette souffrance, il fabriquerait son antidote,
saurait y revenir chaque fois que nécessaire, chaque fois que le chagrin
viendrait le lancer, celui-ci ou un autre. Son antidote et celui du monde
entier. Ecrire la tragédie de l’amour trahi, la tristesse pure de l’abandon, la
suffocation, n’écrire que cela, cinq actes durant, oui se dit Jean, rien d’autre
que cette suffocation et ainsi dépasser Virgile.”
“Avant il y aura eu l’attente plaintive puis l’instant
de bonheur parfait furtif éclatant mirage de cristal dans la nuit noire. De
cette nuit, Phénice, as-tu vu la splendeur, la voix légère de Bérénice heureuse,
comblée, un instant, si parfaitement comblée qu’elle confondra le bonheur et la
crédulité, la plénitude et le vertige. Il y aura dans sa voix la douceur d’un
rayon de miel minuscule, éphémère, fragile, et tout autour, les terres vastes
et désolées de l’abandon. A tel point qu’on pourra conclure de sa pièce que
l’amour ne donne jamais qu’un seul instant de bonheur, fugace et démenti.”
http://www.theatre-classique.fr/pages/pdf/RACINE_BERENICE.pdf
http://www.crdp-strasbourg.fr/je_lis_libre/livres/Virgile_Eneide.pdf
http://www.theatre-classique.fr/pages/pdf/RACINE_BERENICE.pdf
http://www.crdp-strasbourg.fr/je_lis_libre/livres/Virgile_Eneide.pdf
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