dimanche 22 avril 2018

Colère du matin

Les méchants gagnent. Les violents sont victorieux. Encore une conclusion schématique qui s'est brusquement formée dans mon esprit, le matin en me levant, comme la décantation des mauvais rêves de la nuit. Le problème est que ce cauchemar n'est pas une simple production de mon inconscient nocturne: il y a eu la guerre en Iraq - premier grand traumatisme pour moi: le droit et la justice ont été défaits dans le réel par le parti de la guerre, qui a imposé sa logique de violence et de force, avec les conséquences que l'on sait ; il y a maintenant la guerre en Syrie - deuxième traumatisme existentiel : le camp des violents et des injustes l'a emporté ; en Palestine, les violents - du côté d'Israël comme du Hamas, sont ceux qui mènent la danse ; en Europe, les xénophobes et les autoritaires progressent et l'égoïsme est presque devenu une vertu patriotique;  la lutte contre le terrorisme conduit les démocraties à violer et renoncer à certains de leurs principes et normes de base en matière de liberté, de justice et de respect de la vie d'autrui; les exécutions extra-judiciaires et assassinats ciblés qui faisaient problème il y a 15 ans sont aujourd'hui une pratique parfaitement admise ; des hommes brutaux se sont imposés à la tête des grandes puissances : le pouvoir est donné, ou saisi, par des hommes cyniques, qui s'imposent par le mépris, l'injustice et le mensonge. Netflix a mis en ligne une série documentaire sur Trump: on y voit comment il a fait fortune en usant d'intimidation et de racket fiscal. En Russie, inutile de revenir sur la figure autoritaire et machiste de Poutine, achetant le soutien du peuple par un mélange de fascination, de peur et de prébendes. Bref, la prime est aux violents, aux meurtriers, indifférents à la souffrance des autres - nous voilà dans le règne de l'injustice et de l'immoralité profondes, dans l'absence de tout vrai respect de l'autre. Et ceux qui se rendent coupables de tout cela ont pouvoir, richesse, succès, notoriété.  La fin justifie tous les moyens. Retour à un monde hobbesien. Me voici au point de saturation mentale et morale. Paix des cimetières, stabilité et prospérité fondées sur l'injustice et la violence, l'unité et la survie des uns au prix du sacrifice et du rejet des autres, logique de guerre permanente. Comment peut-on accepter une telle inversion des valeurs et des principes sans s'avilir ou tomber dans un absurde nihiliste ? J'oscille entre suffocation, colère, désespoir et détermination à contribuer à tracer une autre voie, une autre vision, pour que mes enfants puissent encore se projeter dans des objectifs et principes altruistes et croire à la possibilité d'un monde meilleur, plus juste, plus équilibré, plus respectueux de chacun et de la nature, moins violent. Au secours!

samedi 21 avril 2018

Rapports

En observant autour de moi les rapports entre adultes, et à force d'interroger la sorte de malaise ou de déception que j'y ai toujours trouvé, au cours des ans, dans ce pays d'Amérique, une impression diffuse s'est soudainement solidifiée en une remarque plus précise, un peu caricaturale: ici, les gens établissent et entretiennent des rapports avant tout utilitaires ou communautaires. La communauté est source de protection et d'énergie, et permet d'affronter le monde extérieur où il s'agit de gagner et de prospérer, dans des échanges contractuels, mais fondés une transaction d'intérêts. Il n'y a pas de temps  ni de place pour le reste.  J'en ai pris conscience à la faveur d'une autre observation, celle de mon entourage professionnel, où j'ai subitement compris là aussi ce qui ne m'apparaissait pas clairement mais alimente depuis toujours le sentiment de n'être pas à ma place: les membres de l'élite française, en particulier ceux qui sont passés par l'ENA, ont été formés à concevoir les relations interpersonnelles essentiellement comme des rapports de force et de pouvoir. Tout est jugé et organisé à cette aune. C'est donc un monde dangereux, qui crée le vide et la suspicion, pousse les gens à se retrancher derrière une façade qui les protège. Le personnel de l'ONU fonctionne de la même manière, en raison de la nature même des dynamiques bureaucratiques, qui empêchent la confiance. Tout cela épuise...

vendredi 20 avril 2018

Le froid revient

Le froid qui revient. Pauvre coeur troué. Tant d'années, de rencontres, de kilomètres parcourus, de choses lues et dites...j'en reviens toujours à cela, le mystère insondable qui fait qu'à cette heure, je n'arrive pas à comprendre pourquoi la cruauté continue de sévir à si grande échelle, pourquoi nous voyons la poutre dans l'oeil des autres sans voir la paille qui obstrue le nôtre, pourquoi l'amour est si difficile. Et pourtant, la laine des jours dévide un fil, il  doit bien y avoir une trame (je me le dis pour mieux m'en convaincre), quand bien même son motif me reste obscur (ma vue baisse), Pénélope tisse et retisse. Il faut accepter la perte et le dépouillement, c'est sans doute la leçon, et accueillir les occasions de réjouissance et de plaisir, quand elles viennent. Les enfants m'entourent de leurs grands bras et de leurs regards d'adolescents, avec la grâce de leur âge plein d'espoir et d'humour de vivre. J'aurais tant désiré connaître la chaleur suave d'un partage intime, au long cours, corps et âme, avec un autre tendrement aimé, qui fasse de l'altérité le ressort et le principe du quotidien, qui en exalte la douceur et la beauté. J'aurais tant souhaité constater les progrès de la paix et de la justice, et voir la violence régresser. Il n'en est rien. Le froid revient. Ici, l'hiver poursuit sa morsure un mois après l'avènement du printemps. Pauvre coeur brisé.