samedi 3 septembre 2016

Retard

"Life is too valuable to be angry" : l'avertissement collé sur la porte de l'armoire est net. On trouve aussi, sur la première étagère, une vie du Bouddha rappelant en incipit que "Hatreds never cease by hatreds in this world. By love alone they cease. This is ancient Law", et pour faire bonne mesure, le nouveau testament en trois langues  qui s'ouvre à la page du sermon sur la montagne - "Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des cieux est à eux".  Le message doit être compris: un être humain moderne, un bon consommateur discipliné ne doit pas se laisser dominer par des émotions négatives, même lorsqu'il se retrouve malencontreusement entre deux avions dans un hôtel sans âme, servant une nourriture sans saveur. C'est l'occasion de faire retour sur soi, du moins c'est ce que semble conseiller implicitement l'esprit des lieux. La machinerie bien huilée des transports aériens a parfois des hoquets, et le voyage, d'ordinaire si fluide qu'il en perd sa consistance et disparaît en tant qu'activité propre, reprend alors sa nature d'expérience modifiée de l'espace-temps.  L'enfant hurle. Un autre lui répond. L'avion s'emplit de pleurs qui enflent. Nous sommes coincés au sol. Il manque les bagages. L'avion les attend - première annonce du capitaine, qui enjoint les passagers à la patience. Les cris reprennent, les bambins sont inconsolables. L'inconfort s'installe. Nous savons que vous vous inquiétez pour vos correspondances, mais nous ne pouvons vous donner aucune indication, car nous sommes déconnectés de l'ordinateur central,  de l'unité-mère - le commandant de bord avertit. L'information viendra plus tard. Relégués, isolés sur ce petit bout de piste dont nous ne pouvons partir, nous sortons du temps réglé par des horaires. Soyez patients. Il y a pourtant déjà eu les lignes pour l'enregistrement, le contrôle des passeports, celui des personnes, des bagages de cabine. Les enfants sont toujours aussi mal.  Le commandant indique cette fois que les ceintures pour bébés sont défectueuses et que l'avion ne peut décoller sans le nouveau matériel. Le départ n'en finit pas. L'adrénaline met le corps et l'esprit dans une forme d'état second, comme anesthésié. Mais il faut attendre. Les enfants disent non. Les adultes sont plus dociles. La petite boîte de métal volant retient tout le monde en otage. La parenthèse du trajet se densifie.  Nous voilà plongés dans l'entre-deux. Je m'y englue, un long moment. La colle de l'impatience finit par se diluer. Les images se succèdent, les souvenirs remontent, la mémoire s'ordonne. Le retard a permis de rallier le passé - ne pas s'en extraire trop vite, le convoquer, le sédimenter, en faire une partie du présent.

vendredi 19 août 2016

Al nero di sepia

Par où commencer cette étrange entreprise de parler d’un de mes aliments favoris? Une bizarrerie personnelle – venue je ne sais comment – de découvrir que l’encre de seiche, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, réjouit mes papilles, qu’elle colore les pâtes, le riz ou  le couscous.  Un plat noir, c’’est surprenant et suscite a priori la suspicion : est-ce bien naturel ? On nous vante tellement les vertus d’une palette fraîche dans nos assiettes qu’une pitance noir de jais ou grise suggère qu’elle est artificielle ou, en tous cas, pauvre en vitamines.  Alors pourquoi diable, m’enthousiasmer pour le couscous à l’encre de seiche de Dar Slah, dans la médina de Tunis, les seiches à l'encre de Chez Slah, une table de la même ville, tenue par le frère du propriétaire du premier, le risotto du même nom dévoré sur une vieille place à Split, ou les tagliatelles couleur de nuit d’un autre restaurant de la banlieue nord de Tunis ?  Le goût n’est pas très fort, sans être fade. La texture  particulière tient en bouche, et teinte lèvres et dents d’une manière aussi drôle que peu seyante, sauf pour la personne préférée de votre vie qui, de toutes les manières, rayonnera toujours d’un feu transfigurateur et sublime.  J’ai appris que cette arme qu’utilisent les céphalopodes pour protéger leur fuite, en cas de danger imminent, regorgerait, selon certains, de vertus anti-inflammatoire et anti-cancérigènes. Tant mieux, puisque paraît-il les calamars, poulpes, seiches et autres supions prolifèrent à la faveur du réchauffement et de l’acidification des mers.  Leur encre n’est d’ailleurs pas l’apanage de la cuisine méditerranéenne, espagnole ou italienne, les japonais aussi y recourent, eux qui sont connus pour les vertus sanitaires de leur tradition culinaire.  Certes, tout ceci est plaisant et rassurant, mais je soupçonne que mon penchant pour ce liquide marin ne tient pas seulement à l’alimentation et au plaisir de l’avoir en bouche. C’est évident après tout : voilà un jus bénéfique pour le corps  qui nourrit l’esprit et régale les yeux.  Trois-en -un : cuisine, écriture et images.  Comme quoi, même en gastronomie, la puissance évocatrice est un attrait essentiel, et tout ce qui délie les langues et l’imagination fournit le carburant essentiel du lien social et la convivialité.  Finalement, rien ne vaut un plat qui fait parler et couler de l’encre…

jeudi 21 avril 2016

Tozeur


Dans la torpeur de la palmeraie, la branche ploie sous la lumière tremblée du printemps. Les fruits sont encore loin. L’image est floue.

Au commencement, ce fut une histoire d’arbres.  Un oranger d’Algérie, qui était mon refuge, pendant que ma soeur, elle, prenait ses aises sur le figuier – bien plus majestueux, entre les branches duquel une balançoire valsait.

Et puis il y eut le palmier – un roi planté dans une oasis du désert – El Oued peut-être?-, chez des amis de mes parents. Lui s’appelait Abdelwahab – le nom était mystérieux et les adultes s’amusaient à me le faire prononcer. Ce fut ma première expérience du ‘ayn – facile, si facile pour mes cinq ans – je crois que c’est là que mon attrait pour l’arabe s'est joué– un continent sonore et verbal s’ouvrait.  Tout était lumière – la cour, avec ses bâtiments plats, les quelques palmiers, et les hommes, qui se dressaient comme des tiges. Un photographe aurait capté avec son appareil  la géométrie de l’espace, et sa variance au gré des heures, quand les volumes enflent sous les ombres. Peut–être ai-je ainsi vécu mon premier souvenir esthétique – ma rencontre avec ‘le beau’. Ou bien était-ce à Ghardaïa la blanche, quand, pour mon plus grand ravissement d’enfant, nous avions dormi, adultes et mômes, dans la même pièce, sur des matelas si serrés qu’ils n’en formaient plus qu’un?


Tozeur est un bruissement de vent, et balaie mes pensées comme la caresse d’une mémoire enfouie qui soudain affleure.  Entre les vasques d’eau verte, la danse gracile des roses trémières et le balancement mauve du jacaranda apaisent le jacassement de mon esprit troublé.  Le chagrin et les douleurs s’éloignent, et j’aimerais qu’à jamais ils me quittent, que seule la joie et la paix demeurent. Je cherche cette fontaine d’où puiser et distribuer la douceur sans mélange, l’ardeur sans brûlure, l’amour sans possession, la tendresse infinie des âmes vagabondes…

dimanche 10 avril 2016

Racine

J’ai passé deux mois sans lire. Et puis, enfin, j’en ai sorti un de la pile des ouvrages accumulés depuis l’été – un des quatre finalistes du Goncourt, celui qui, au départ, ne m’attirait pas : un titre trop austère, d’un auteur dont j’ignorais tout et qui, contrairement aux trois autres, ne parlait pas de monde arabe, bref celui qui m’était de tous le plus étranger.
Il y a une semaine à peine, j’ai donc finalement ouvert “Titus n’aimait pas Bérénice” – et je me suis laissée emporter. -“ que le jour recommence et que le jour finisse, sans que jamais Titus puisse voir Bérénice”. La magie littéraire opérait à nouveau sur moi – elle me rencontrait, faisait écho à mon propre tumulte, à mon enquête intérieure, à mes interrogations sans fin sur l’amour,  et  à ma passion des mots.  Jean Racine, personnage central,  est un héros improbable –  un poète courtisan et janséniste, vaniteux et spirituel, saturé d’aspirations bourgeoises et brûlant de passion – une oxymore à lui tout seul.  Le livre de Nathalie Azoulai le montre dans toute la crudité et la cruauté de ses contradictions,  qui apparaissent pour ce qu’elles sont – la pince vitale, l’étincelle originelle, sans laquelle il n’est aucun feu, aucune vie, aucune écriture vraie.  Il ne se libère pas du conflit, mais il le sublime.
Plus qu’aucun autre, il met le mystère amoureux au centre – lui donne la première place. Il fouille les entrailles du chagrin, de la séparation - “ mon âme loin de vous languira solitaire”. Sans mièvrerie, il entre dans le sentiment, son épreuve la plus profonde. Le langage, pesé, épuré,  devient une lente coulée vers l'indicible. La vérité du soi s'apprend dans son dépassement- "Je suis venu vers vous sans savoir mon dessein. Mon amour m'entraînait, et je venais peut-être Pour me chercher moi-même, et pour me reconnaître". Tout se joue dans l'altération. La rencontre est à ce prix. L'ordre et le monde social aussi, en mouvement contraire. Racine, sous la plume de Nathalie Azoulai, met à nu l'intransigeance amoureuse et religieuse, dans un contraste vertigineux avec la mondanité de la cour, qu'il idolâtre pourtant. Ecartelé, il butte, il ne résout rien. Il tranche. Il magnifie la douleur, la transfigure, ramène à la question essentielle. Aimer, être aimé – qu’est–ce à dire ?



Extraits:
“ Les anciens le savaient. Il n’est aucune élégie ni tragédie sans les mers. C’est une chose de le lire, une autre de le sentir. Autrefois il ne visualisait l’élégie qu’en fonction des fleuves et des rivières, selon une pente, un écoulement, un courant dynamique. A présent, c’est aussi une étendue plane qui sépare de ce que l’on désire, une masse qui engloutit ce que l’on perd, un regard qui pleure l’autre bord sans pouvoir le rejoindre.”

"Je rêve d’une antithèse cruciale, qui dirait le coeur des hommes, pas seulement le choix qu’ils doivent faire à un moment donné, mais la croix qui les traverse, le conflit, leur nature profonde.”

“ Il se répète, par exemple, que l’errance de Didon est encore plus douloureuse que la sienne (…) l’abandon pur et simple vous retire tout d’un coup en jetant sur le tout premier serment la lumière noire du mensonge. (…). S’il parvenait pourtant à mettre des mots à lui sur cette souffrance, il fabriquerait son antidote, saurait y revenir chaque fois que nécessaire, chaque fois que le chagrin viendrait le lancer, celui-ci ou un autre. Son antidote et celui du monde entier. Ecrire la tragédie de l’amour trahi, la tristesse pure de l’abandon, la suffocation, n’écrire que cela, cinq actes durant, oui se dit Jean, rien d’autre que cette suffocation et ainsi dépasser Virgile.”

“Avant il  y aura eu l’attente plaintive puis l’instant de bonheur parfait furtif éclatant mirage de cristal dans la nuit noire. De cette nuit, Phénice, as-tu vu la splendeur, la voix légère de Bérénice heureuse, comblée, un instant, si parfaitement comblée qu’elle confondra le bonheur et la crédulité, la plénitude et le vertige. Il y aura dans sa voix la douceur d’un rayon de miel minuscule, éphémère, fragile, et tout autour, les terres vastes et désolées de l’abandon. A tel point qu’on pourra conclure de sa pièce que l’amour ne donne jamais qu’un seul instant de bonheur, fugace et démenti.”

http://www.theatre-classique.fr/pages/pdf/RACINE_BERENICE.pdf
http://www.crdp-strasbourg.fr/je_lis_libre/livres/Virgile_Eneide.pdf





samedi 29 août 2015

Départ

Peut-il y avoir d'autre départ que vers le meilleur de soi? Dans le murmure du petit matin, le moment approche de prendre la route. Dans les pépiements d'après le début du jour, les souvenirs mêlés tintinnabulent aux branches des bougainvillées. Des yeux clairs regardent le ciel. Il y a une légère odeur de café. Dans le lit de feuilles des moments passés, il est difficile encore de distinguer ceux qui seront l'humus du futur, effilochés par l'oubli mais à l'accumulation féconde, de ceux qui resteront dans leur clarté de fermes sentinelles pour guider l'avenir. La mystérieuse continuité discontinue de nos vies me fascine. Je veux croire à un amour entre les êtres à travers et au-delà de nos contingences charnelles. La journée sera chaude, l'air est déjà lourd et s'immobilise dans le demi-bruit de cette dernière heure.  Il faut boire un peu. Les oiseaux gazouillent plus fort.  La lumière qui joue sur l'eau me renvoie au miroir fragmenté et miraculeux de nos rencontres, petits verres coupants qui tranchent et transfigurent le monde, et le temps,  boule à facettes d'une lampe dans sa niche, grains de sable sous les pieds qui s'élancent sur l'infini des plages. Ni orient, ni occident, seulement le rivage. Kélibia la blanche, tu te souviens? Jusqu'où aller sur le cheval des songes, lui qui nous mène aux lieux inopinés de nos mémoires enfouies comme au bord secret où l'image enfin apparait et révèle les contours de notre destinée? Tout cela me revient: la torpeur des hammams où l'esprit se dissout dans la chair humide, le bruissement de l'avenue Bourguiba entre les arbres et les barrières de barbelés, la beauté monocorde des champs d'oliviers presque gris d'être lavés à la sueur des femmes courbées au temps de la récolte,  le chant d'espoir des révolutionnaires et la désespérance du peuple, le vieil homme dans son meilleur costume pressant son doigt dans l'encre, si fier d'avoir voté, les yeux perdus d'une femme sans rien sur la route, le vert électrique du printemps dans les ruines de Dougga...Tu veux un peu de café encore? Il va falloir partir. Le voyage, vois-tu, n'est qu'un élargissement de l'espace - pas une rupture des liens, mais leur métamorphose. Et puis, dis-moi, il faut que je me rassure, l'évanescence, dans sa beauté, est éternelle, n'est-ce pas? ...La tasse est vide maintenant, tu vas emporter les volutes de fumée de tes cigarettes, ton merveilleux sourire et tant de souvenirs. Les fleurs se balancent, les cigales susurrent. La porte du coffre a claqué. C'est l'heure. 

vendredi 18 juillet 2014

New York New York

Times square: suffocation et magnétisme - les sardines humaines se pressent, hébétées devant les écrans géants, dans la réalité irréelle de ce décor de cinéma grandeur nature, foule asservie aux marchands du temple de la consommation démesurée; les enfants s'enfournent dans la grande roue intérieure du grand magasin de jeux, tournent, et retournent, ne savent plus où regarder, attirés par ci et puis par là, excités au point de l'énervement par la pléthore alléchante de choses ; dehors la foule déambule débonnaire entre les marionnettes de Sesame street tandis qu'un peintre de rue harnaché d'un masque de martien manie la bombe à couleurs acryliques avec une dextérité étonnante, qui épate les badauds ; d'autres plus tranquilles patientent pour obtenir un ticket au rabais pour un show sur Broadway ; nous enfin, guettons la bonne porte pour un de ces lieux de cocagne où l'on peut dépenser son argent et son temps dans une arcade, sous la lumière artificielle, à se divertir de jeu en jeu...Times square est une torture physique pour tout agora-phobe (dont je suis) et pourtant elle attire comme un aimant...je fuis dans la lecture, sur la banquette du café où je me suis réfugiée, m'accroche aux phrases de F. Scott Fitzgerald, les dernières de la nouvelle 'The Sensible Thing': "Well, let it pass, he thought; April is over, April is over. There are all kinds of love in the world, but never the same love twice. "
Central Park: l'anti-Time square, en dépit du monde...le poumon de la ville, le coup de génie salvateur d'urbanistes visionnaires du 19ème siècle auxquels je voue une reconnaissance éperdue, le lieu où je peux reprendre mes esprits perdus dans le tourbillon de la ville et les entrelacs de ma mémoire, réchapper des souvenirs qui s'entrechoquent, d'avoir tant vécu ici, dans la dimension intime et au niveau collectif (voire planétaire). Trois enfants surgis entre ces gratte-ciels insensés, grandis entre trois langues, habitués des rues en damier et des voitures de location. Je suis aussi de ces New Yorkais qui n'oublieront jamais le 11 septembre 2001, qui ont suivi les métamorphoses et les psychoses de la ville, comme de celles qui ont fréquenté jusqu'à l'overdose les aires de jeux et les bacs à sable, ont arpenté pouce à pouce les trottoirs spacieux de leur quartier, enfants devant ou derrière, en poussette ou à pied, ont visité  musée après musée, quand ils étaient encore bébés et dociles, ont guetté l'heure pour courir se régénérer aux sources merveilleuses de la musique dont les meilleurs interprètes passent, pour ainsi dire tous, dans ce coin de la planète - Carnegie Hall, Lincoln Center, Village Vanguard et bien d'autres....et pourtant New York reste une météore, un objet céleste et funeste à la fois, un univers intensément familier et tout à la fois irrémédiablement étranger, un port d'attache et un repoussoir, passage et destinée....

mercredi 10 juillet 2013

L'amour, avant

Before midnight, before sunset or before sunrise - autant d'avant(s) pour que l'amour se déploie. Destin ou hasard amoureux? La trilogie de Richard Linklater, de fait co-écrite avec les deux acteurs principaux, Ethan Hawke et Julie Delpy, tente une réponse, intensément poétique, souvent drôle, et merveilleusement romantique. Il n'y a aucune mièvrerie dans cette entreprise artistique rare - trois films tournés chacun à au moins 9 ans l'un de l'autre, mettant en scène le même couple,  improbable au départ, et au bord d'être défait ou au contraire ressoudé à l'autre bout de la séquence. Les dialogues sont au centre de ces trois films qui auraient pu être des pièces de théâtre. L'unité de lieu nous emmène de Vienne dans le film de 1994 lorsque Jesse et Céline ont 23 ans, à Paris pour celui qui se déroule en 2004, et la Grèce en 2013. Il s'agit de conversations profondes, intellectuelles en partie, et surtout pleines d'humour et d'esprit. Les personnages se cherchent, se trouvent, et risquent toujours de se perdre. Le réalisateur est charitable avec son public, il reste toujours dans la suspension, et les fins sont ouvertes. La plus grande partie du temps se concentre sur le couple discutant - en voiture ou en ballade, permettant aux acteurs de faire preuve de leur grand art, et au cinéaste des scènes sans coupure de plus de huit minutes. Le sujet du film est cette conversation, fascinante, qui ne fait que renforcer la magie de la rencontre, jamais acquise. C'est après avoir vu before midnight que j'ai regardé les deux autres. Les films s'éclairent les uns les autres, mais commencer par le dernier est aussi judicieux que de voir le premier d'abord. Before midnight donne à voir et encore plus à entendre l'extraordinaire force d'une relation et sa fragilité ultime, c'est une restitution particulièrement sincère des jeux de rôles et interprétations auxquels nous nous livrons sans cesse et nous piégeons mutuellement.  Mais c'est aussi un ode au désir et au sentiment qui durent malgré leurs intermittences.  Il y a dans le film une scène magistrale, lors d'un repas sur la terrasse d'une propriété paradisiaque dans le Péloponnèse. Huit personnes, représentant trois générations et parmi lesquelles se trouvent 3 couples, disent ce qu'est pour eux l'amour. Vient alors ce moment fabuleux, ou la plus âgée, qui est veuve, se met a parler de son époux défunt, de la "seconde perte", lorsque la mémoire de l'autre se met à flancher, et qui dans le partage très simple de son expérience, dit la profondeur de l'attachement. Before midnight n'idéalise pas l'amour, loin s'en faut, mais pointe sa mystérieuse beauté, son éphémère éternité qui ne cesse de nous captiver, d'orienter et de bousculer nos vies...bref, de très bons moments à passer dans une salle noire ou devant un écran, quelle que soit sa taille.