jeudi 21 avril 2016

Tozeur


Dans la torpeur de la palmeraie, la branche ploie sous la lumière tremblée du printemps. Les fruits sont encore loin. L’image est floue.

Au commencement, ce fut une histoire d’arbres.  Un oranger d’Algérie, qui était mon refuge, pendant que ma soeur, elle, prenait ses aises sur le figuier – bien plus majestueux, entre les branches duquel une balançoire valsait.

Et puis il y eut le palmier – un roi planté dans une oasis du désert – El Oued peut-être?-, chez des amis de mes parents. Lui s’appelait Abdelwahab – le nom était mystérieux et les adultes s’amusaient à me le faire prononcer. Ce fut ma première expérience du ‘ayn – facile, si facile pour mes cinq ans – je crois que c’est là que mon attrait pour l’arabe s'est joué– un continent sonore et verbal s’ouvrait.  Tout était lumière – la cour, avec ses bâtiments plats, les quelques palmiers, et les hommes, qui se dressaient comme des tiges. Un photographe aurait capté avec son appareil  la géométrie de l’espace, et sa variance au gré des heures, quand les volumes enflent sous les ombres. Peut–être ai-je ainsi vécu mon premier souvenir esthétique – ma rencontre avec ‘le beau’. Ou bien était-ce à Ghardaïa la blanche, quand, pour mon plus grand ravissement d’enfant, nous avions dormi, adultes et mômes, dans la même pièce, sur des matelas si serrés qu’ils n’en formaient plus qu’un?


Tozeur est un bruissement de vent, et balaie mes pensées comme la caresse d’une mémoire enfouie qui soudain affleure.  Entre les vasques d’eau verte, la danse gracile des roses trémières et le balancement mauve du jacaranda apaisent le jacassement de mon esprit troublé.  Le chagrin et les douleurs s’éloignent, et j’aimerais qu’à jamais ils me quittent, que seule la joie et la paix demeurent. Je cherche cette fontaine d’où puiser et distribuer la douceur sans mélange, l’ardeur sans brûlure, l’amour sans possession, la tendresse infinie des âmes vagabondes…

1 commentaire:

  1. Continent verbal et sonore.. Comme s'il n'y avait jamais eu d'autres mots ni de meilleurs pour décrire la beauté élémentaire où cette langue est née. Merci pour ces lignes dansantes et profondes. G.

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