samedi 26 juin 2021

Chicago - New York (by road)

Le refus de mentir -  ces quelques mots entendus aujourd'hui dans un entretien d'Abdel Malik sur France culture (ceux qui me connaissent savent que j'écoute France culture) à propos d'Albert Camus - et lui, mes enfants vous le diront, j'en recommande la lecture-   me ramènent à ces heures avec mon fils, sur la route de Chicago à New York, il y a quelques jours. Mon fils a des qualités  (quelques défauts aussi comme tout le monde), et l'une d'entre elles, ô combien précieuse, est -sans mentir- de ne pas mentir. Ce fut un road trip improvisé, qui s'est imposé, faute d'avion. Après 48h de travail épuisant pour ranger, nettoyer, déménager les affaires de mon fils et ses copains, de leurs appartements étudiants de Hyde Park vers un box de garde meuble au fin fonds du Southside, la compagnie auprès de laquelle j'avais acheté deux billets, Southwest, n'a rien trouvé de mieux que d'annuler les vols vers New York, tandis que le meilleur prix de Delta airlines était de 1000 dollars par personne pour un vol le lendemain à l'aube...la conclusion pratique, dictée par le pragmatisme et le manque de temps, a été de louer une voiture et de se lancer sur la route pour rallier Big Apple aussi vite que possible. Nous avons donc eu droit au grand ciel soleil couchant sur Chicago, aux perspectives de fin du soir sur les autoroutes nous menant vers l'Indiana, aux belles lignes de ponts d'acier  découpées sur ciel empourpré, aux  gros camions américains à la silhouette si caractéristique, et au motel de rigueur, à l'entrée de South Bend, tout près de l'université Notre - Dame, établissement d'excellente réputation universitaire et encore plus connu pour la célébrité de ses équipes sportives (par ailleurs  l'université a été fondée par un prêtre français en 1842). Le lendemain,  j'ai essayé toutes les positions - mains sur le volant à 10h10, à 11h05, à 8h20, à 7h25 et même 6h30, j'ai usé de toutes mes ressources de yoga pour soulager mon dos - en serrant les abdos et les fessiers, en appuyant sur mon pied et ma jambe gauches (les voitures américaines sont automatiques), en relaxant mentalement mes épaules. Il fallait tenir près de 11h de route plus arrêt et j'ai fini par entrer dans une forme d'état second, ne sachant plus si c'était les kilomètres de bitume, la musique ou la fatigue qui me portaient. Les rappeurs américains se sont succédé (Youssef est un grand grand fan et connaisseur de rap) - 50 cent, Biggy, Tupac, Lil Uzi Vert, Nas...Le rap est un univers vaste et fascinant qui travaille et mêle parole, rythmes et mélodies, se soucie des héritages, emprunts et résonances d'une époque et d'un genre à l'autre, qui assume le métissage et la créolisation comme fondements évidents de la vitalité créatrice et de la réinvention artistique. Cependant, l'insistance des percussions et les basses marquées au point d'être obsédantes ont  eu facilement raison de ma résistance - en dépit de tous mes efforts et de ma volonté de mieux la connaître, cette musique ne me donne pas d'énergie, elle m'en prend. On a donc écouté d'autres genres, et le meilleur franchement, mieux que la techno (qui peut repomper une conductrice un peu ensommeillée), le rock (revigorant et réjouissant) ou le classique (qui rend serein et apaise la tension accumulée au fil des heures passées en compagnie des camions), c'est le reggae. Bob Marley et ses enfants, ce sont les rois de la route. On ne pense plus à rien - les crampes dans les jambes, les lombaires compressées, les poignets tendus, tout cela disparaît, et il n'y a plus que le mouvement de la voiture, les paysages qui défilent, l'impression de me dissoudre avec le chemin et de ne plus faire qu'un avec le volant et le siège, débarrassée de mes pensées, du souci d'hier ou de demain, rivée à l'instant présent, libérée de toutes les autres préoccupations en dehors de ce but unique et précis : arriver. 

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