samedi 11 mars 2023

Chemin d'épines

Le noeud s'est défait.  Le souvenir des fleurs au bord du chemin est doux. C'est l'heure du thé à l'aube, entre l'aubépine et la ronce, le chèvrefeuille et l'hortensia, les roses aux tiges de piquants.  L'inextricable mystère du mal et de la beauté nargue l'aurore.  Il m'a fallu tant de temps pour comprendre la nécessité des épines. N'entre pas qui veut au château. On ne doit pas l'hospitalité aux brigands. La morale pratique des contes de fées, des mythes et légendes m'a complètement échappé - je me voyais en chevalier moderne et téméraire ou en servante guérisseuse. On a oublié de me dire qu'il fallait que je me protège, et que j'étais à la fois vulnérable et suffisamment précieuse pour être préservée. J'ai vécu sous l'injonction contraire : tu as de la chance, tu as beaucoup de force, santé, intelligence, bien être matériel, tu as trop par rapport aux autres, la justice commande que tu compenses, ton devoir est de donner, de servir tous ces autres - au risque de se mettre au service de leurs désirs et de leurs attentes, en croyant qu'ils étaient par principe plus légitimes que les miens. Interprétation trop simpliste, et nuisible, de ce qui me fut présenté d'emblée comme le principe, l'idéal vers lequel il faut tendre - "il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour les autres''.  Or la parole est "...que de donner sa vie pour ses amis"... et tous les autres ne sont pas d'emblée des amis.  Cela peut paraitre évident, mais pas quand on est myope et presbyte comme moi. Alors bien sûr, passé cette première leçon élémentaire qu'il m'a fallu un demi-siècle pour comprendre, il ne s'agit pas de se replier de façon égocentrique et les exigences de l'amour demeurent.

Le temps intérieur toujours me ramène à ce constat psychique, intellectuel et affectif - je me vis dans un écart, et dans l'impossibilité d'une adhésion. Comme si ma vocation était de me tenir dans l'inconfort de ce décalage, dans cette incongruité fondamentale. Ma profession ne me correspond pas, elle contrarie ma personnalité et mes aspirations ; ma maternité est tronquée de la relation au père et mes enfants ont grandi avec un manque dont je me sens à jamais responsable  ; je suis aliénée à un métier qui est ma sécurité matérielle  et n'ai pas l'énergie ni le temps de travailler à une oeuvre intellectuelle ou artistique ni même de suivre un enseignement spirituel pouvant me permettre de secouer la poussière du chemin, de transcender et transformer le réel, d'accéder à une forme d'émancipation ou de libération individuelle et collective. Prisonnière et décalée par rapport à ce que je désire. Mon vieux fond spirituel chrétien comme les enseignements tirés du yoga, du zen ou du soufisme me disent que c'est bien ainsi - que c'est le chemin du dépouillement radical, le décollement des désirs, la nécessité de dire oui à ce qui est là. Accepter que la diplomatie et la maternité exigent tout, que le reste en moi soit sublimé. C'est très difficile.  Car c'est accepter la perte, la mise en échec structurel, l'inadéquation, le malaise permanent, l'incompréhension. Accepter que mon devoir est de chercher à faire ce qui me dépasse complètement, accepter que les résultats ne soient jamais à la hauteur des enjeux, que la fin peut être tragique. L'époque demande de montrer et déployer la confiance en soi, l'énergie positive, la volonté habile, une dextérité et une plasticité mentales et sociales, finalement une richesse, un capital, que je n'ai pas, et que je ne veux pas avoir parce qu'elles sont contraires au chemin que ma conviction intime m'enjoint d'emprunter. Le décalage permet l'humour, et puis d'ailleurs c'est sans doute cela mon chemin - aller vers une fin peut être tragique dans une ambiance de comédie, dans la douceur et la légèreté d'un chant, d'une musique écoutée, d'un regard échangé, d'un repas partagé, d'une beauté contemplée - quelle qu'elle soit.

mardi 19 avril 2022

Vivre avec angoisse

Le tragique de l'Histoire me réconcilie avec l'angoisse, source de mon intranquillité foncière. Subrepticement d'abord, avec de plus en plus de netteté ensuite, mes pérégrinations intellectuelles - à travers mes lectures, les entretiens entendus à la radio, les films, les pièces de théâtre, les conversations, les voyages - sont apparues plus cohérentes et moins fortuites, et m'ont fait voir, toucher, sentir que l'angoisse était un noeud vital: pas un trou noir, mais le signe inversé et inconscient du désir, une manifestation paradoxale de la pulsion de vie. J'ai vu aussi en elle la somatisation individuelle du tragique de l'histoire collective - l'absurde mystère qui fait que le destin des peuples toujours échappe au vouloir et reste jonché de cadavres et de violences à jamais injustifiables, marqué du sceau de la mort non pas comme fin harmonieuse d'un cycle biologique mais comme injustice et souffrance. Au niveau personnel, l'angoisse nait de nos contradictions inconscientes, du conflit de nos désirs, de notre incapacité à les réconcilier ou à choisir, de la difficulté à harnacher la pulsion de mort et mettre sa force au service du désir de vivre.  Mais elle fonctionne comme une alarme pour révéler en creux la force du désir qu'elle chasse de sa tanière secrète; découverte, contrôlée, elle peut devenir un moteur puissant.  Le tragique de l'Histoire nait de la contradiction profonde entre volonté du bien commun et destin funeste malgré nous, comme la manifestation de ce mal destructeur issu d'un inconscient collectif si contradictoire qu'il nous broie, ou issu de l'incapacité de la majorité à faire pièce à la pulsion de mort désinhibée de la minorité parvenue au pouvoir. 

jeudi 31 mars 2022

L'incommensurable

Rencontrer les mots d'un autre et soudainement comprendre, à l'aide d'un concept, d'un agencement d'idées inédit qui clarifie ma propre pensée : je suis infiniment reconnaissante aux philosophes d'illuminer ainsi le réel, de me permettre de discerner un fil conducteur et de distinguer un peu mieux le paysage, en lui donnant une structure et/ou un principe dynamique. En perçant un pan de brume, ils dévoilent un chemin qui permet de continuer à mettre un pied devant l'autre ou simplement de rester assis dans le rayon de soleil ainsi dégagé. 

L'incommensurable de François Jullien est un de ces concepts qui pour moi, d'un coup, éclairent et ordonnent les fils de ma perception et compréhension de la vie, un concept-clé au sens propre du terme, qui ouvre une porte dans le labyrinthe des idées, fait apparaître une cohérence et un principe directeur. Un peu comme un tapis dont l'image apparait après le travail de tissage - les fils emmêlés ne sont pas qu'un paquet de noeuds.  Il met en cohérence interne mon appréhension intuitive, mon ressenti,  et mon discours intérieur : rend intelligible quelque chose de très intime. Je dirais que ce que François Jullien réussit, c'est une formulation philosophique de  ce que j'ai l'habitude de désigner comme l'expérience spirituelle, parce qu'il parvient à une approche asymptotique d'elle à la frontière de l'esprit et de l'intellect, par le pouvoir d'abstraction (alors que les pratiques et expériences physiques profondes,  mettant en jeu complètement l'être charnel,  l'approchent par immersion en allant à la frontière asymptotique des énergies du corps, dont le cerveau et ses ondes font partie, et que les pratiques artistiques et poétiques dansent autour, l'approchent par la force de contemplation, en nous conduisant aux confins de la perception, dans la vibration contemplative). Pour autant qu'on puisse conceptualiser cette expérience, l'incommensurable tel que le désigne et décrit François Jullien le fait de manière intellectuellement ajustée.  Je m'interroge toutefois sur un point où je diverge d'avec son insistance sur la nécessaire sortie de ce qu'il appelle la =commune= mesure : le commun - c'est paradoxal, mais ne peut-on le retrouver dans cet incommensurable toujours singulier? 

" Si le concept d'incommensurable est donc ici nécessaire, c'est d'abord pour conférer à la pensée de l'écart à la fois son assise et sa portée: de même qu'entre les nombres rationnels et les irrationnels, il y a de l'incommensurable, par écart qui ne se résorbe pas, dans la langue comme entre les langues, dans la vie comme entre les vies ; et c'est à quoi tient, dans ce hiatus et cet espacement irréductibles, bien plus que ce qui ferait leur valeur: leur capacité, immanente en même temps qu'infinie, de déploiement" 

"Or d'ordinaire (...) on ne s'en enquiert guère ;  on n'y prête que peu d'attention et on ne "l'entend" pas. De là que cela demeure "inouï". On n'entend d'ordinaire, on "ouït", que le commensurable. Or si d'ordinaire on n'entend pas l'inouï, ce n'est pas qu'il soit extra-ordinaire, exceptionnel ou insolite, au sens coutumier du terme, mais rabattu du terme et qui perd son intelligence. " C'est le plus immédiat et le plus quotidien qui parle ici de choses inouïes" comme le dit Nietzsche à propos du Zarathoustra. Mais cette dimension d'infini dont est traversée si souvent l'expérience, comme elle obligerait, pour l'entendre, de fêler ou de déborder les cadres constitués de l'expérience réduisant toute expérience  à une commune mesure de l'expérience, que ces cadres soient ceux de notre perception ou bien de notre compréhension , nous la repoussons d'ordinaire à l'extrémité de notre expérience, comme une limite  ultime de l'expérience, dans l'extraordinaire ou l'insolite, ou même nous la reportons dans un "au-delà" la transmuant en Infini métaphysique. Or rien cependant de plus ordinaire que l'inouï fissurant d'infini les mots, ou que celui du regard croisé dans la rue ou de ce soir que nous puissions sortir ensemble (...)"

" De même que l'inouï n'est pas l'extraordinaire, la "vraie vie" n'est pas une vie idéale ou une autre vie. Mais elle est la vie qui ne se résigne pas à laisser rabattre l'incommensurable de la vie (...) Elle est la vie qui sait dé coïncider de la commune mesure par laquelle elle s'égalise et se proportionnalise, se comptabilise et se normalise, se réduit et se résigne. A l'encontre de l'experience qui ne cesse de s'intégrer en commune mesure de l'expérience, il s'agit, en somme, d'ouvrir la vie au sans commune mesure de la vie"

dimanche 23 janvier 2022

Quelques sites en ligne pour lire des poèmes

La poésie permet de travailler l'équivoque du langage - elle a conscience de la duperie possible. Mais elle l'écarte en la dévoilant, et le dévoilement se fait sublimation. La poésie est l'art de danser sur cette lisière, dans un rapport modeste au monde, aux êtres  et à leur vérité.  Elle est tissée de nos paradoxes existentiels et quotidiens. Elle fait sens, dans toutes les significations de ce mot polysémique. Comme la musique, il y a la ligne mélodique, ce que tend à dire une phrase, et l'harmonie, qui fait résonner chaque mot ou chaque son à de multiples niveaux et par diverses voix.  Elle dit obstinément ce qui résiste en nous, ne doit pas être détruit, la sève qui nous nourrit et nous relie, mais aussi la fragilité extrême, toujours menacée. Elle est la trace qui demeure au-delà de la perte et de la disparition.

Je découvre aujourd'hui de vastes espaces en ligne où se retrouvent des poètes et surtout leurs poèmes et recopie ci-dessous les liens pour que vous puissiez aller y faire un tour : 

https://terresdefemmes.blogs.com/mon_weblog/ 

https://poezibao.typepad.com/

https://www.recoursaupoeme.fr/actualites/

https://www.terreaciel.net/

https://diacritik.com/

Et je veux recopier cette page bouleversante lue ce matin sur le blog Terre de femmes - blog à la fois simple et extraordinairement riche. Ce poème parle de l'indicible horreur de la guerre en Syrie et du mal fait aux enfants. Les guerres nous exilent de notre humanité

Huit millions et demi de roses piétinées au Levant

 

descaressesontfermé                                                                                                                                                                                 

lesyeuxdesenfants

syrienscouchantla

chenilledeleurs

pupillesdanslecocon

douilletdenotre

bonneconscience

                        

                     Sampiero

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                             

Nous ne sommes personne. Nous sommes
à peine celui que nous connaissons. Il y a
tellement d’infini derrière celui que nous
ne connaissons pas.

Nous sommes d’avant les étoiles, le néant,
et nous y retournerons. Le grand cirque de
l’enfance ou de la prise de pouvoir sur les
autres ne nous étourdira jamais assez pour
oublier.

Quand les enfants croisent un étranger, ils
lui parlent comme à une grande personne,
un être précieux. Avec les mains, les yeux.

Comme ils parlent aussi aux arbres, aux
peluches, aux oiseaux. Avec le sérieux du
premier et du dernier jour.

Ils savent que la vie éternelle tourne en
boucle comme une folle dans leur sang et
que tout se transforme sans cesse pour
danser parmi nous. Il faut se souvenir
de notre première venue ici comme d’un

tremblement dans le feuillage d’un arbre.

Nous sommes tous des réfugiés en fuite en
quête de quelque chose.

[…]

 

Roesz 2

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous sommes tous des réfugiés et nous
écrivons une histoire prévue pour s’effacer.
tomber en poussière dans la poussière du
monde.

Et ce n’est pas rien cette disparition. C’est
le pollen des fleurs. Le soleil dans les yeux
de la mouche. La flaque bousculée par les
pneus du camion. C’est une histoire cet
effacement, c’est la nôtre.

                                                                                     

Roesz Levant


dimanche 12 décembre 2021

Mantra matinal

Les brumes certains matins se dissipent. Dans l'épuisement, j'ai l'impression d'avoir mis à nu mon fondement - comme si je pouvais enfin distinguer ce qui constitue mon intégrité, l'eau première qui me donne mon énergie, m'anime et me ranime, les vagues et le ressac de mon être. 

En parlant avec Yann, qui se préoccupe beaucoup de ce que les religions font aux personnes et aux sociétés et y voit une source de mal, d'ignorance, d'intolérance, de violence et donc de souffrance, nous avons creusé les questions. Je ne cessais de revenir sur les nuances de gris du réel, sur les besoins fondamentaux que les religions remplissent pour beaucoup d'êtres humains - celui de faire communauté, de se relier, celui aussi de découvrir et de vivre son intériorité. Je m'observais refusant de rejeter le religieux malgré les horreurs commises en son nom, cherchant toujours à distinguer spiritualité et religion, mais sans parvenir vraiment à convaincre, le bilan historique et meurtrier des religions étant ce qu'il est, comme leur bilan psychologique et social d'abus, d'emprise et de manipulation ...  Alors quoi?

Le sujet me dépasse, mais à titre individuel, je crois saisir enfin ma foi (qui diffère de la croyance, du moins je l'espère, en ce qu'elle n'est pas une adhésion à un dogme insaisissable par la raison, voire contradictoire avec elle). Je crois en la force transcendante de l'amour entre les êtres et pour les êtres vivants quels qu'ils soient, et dans la nécessité d'un comportement et d'une action éthiques, c'est à dire mus par le désir de faire du bien, aux autres êtres et à soi  - cela va fondamentalement ensemble, il n'y a pas d'opposition entre les deux.  Il y a donc en moi un élan de confiance et d'abandon à cette transcendance de l'amour entre les êtres, et le désir constant de faire du bien. J'ai bien conscience que ce sont des lignes de force, des directions, un élan, et qu'il  y a toujours un écart, et parfois un fossé, entre l'intention et l'effet réel, mais mon espérance est que cet écart se réduise. Par un effort de vérité, de sincérité, d'honnêteté et d'intégrité. Pour vivre authentiquement - véracité et vivacité ont partie liée chez moi. La volonté de lutter contre l'absurde et la souffrance, d'oeuvrer pour la paix et la justice reste au coeur de mon engagement - c'est peut être un peu ridicule d'avoir besoin de ces mots pour me lever chaque jour, mais c'est ainsi que je parviens à vivre - may daily practice lead me, lead us, to courageous actions, creative thinking, deeper communities, fairer societies and the love of all beings - c'est mon mantra matinal. Enjoy your day!


lundi 6 décembre 2021

Ce qui nous lie

Nos manques et nos défauts nous égalisent et nous solidarisent, c'est une conviction qui m'apparaît chaque jour plus nettement, à mesure que j'entre dans l'expérience de ma vie. Les passions et émotions dites tristes ou négatives sont en fait notre porte de rencontre. Nos tristesses, manquements et souffrances sont notre lieu commun, la condition où nous pouvons nous reconnaître pleinement, mutuellement, égaux dans un similaire dénuement, par delà notre altérité. Je crois que c'est ce que recouvre la notion de péché dans la religion chrétienne, ou de souffrance dans le bouddhisme - ce qui nous lie est ce manquement, ce défaut, ce vide fondamental. Dans la sincérité face à nos émotions, nous pouvons faire une expérience profondément commune, éprouver notre solidarité d'êtres vivants et conscients, ce qui fait de nous des humains. La tristesse est l'instrument de la connexion profonde et de la réconciliation. Elle transcende nos altérités et permet ensuite la joie et le plaisir, qui sont la jouissance de l'altérité dans son mystère, quand celle-ci devient feu et électricité.

samedi 2 octobre 2021

La plainte des fleurs vers la mer

Au bord de la falaise, la bruyère et l'ajonc apparient leurs couleurs
et l'âpre sente ourlée les porte vers le large
Dans l'éclat de la roche, il n'y a plus d'odeur
Le soleil  et le sable ont séché les parfums
Jaunes et roses tissent les entrelacs de la lande
sans motif ils vont avec une joie discrète
jusqu'au prochain nuage
Vois: l'horizon se plombe et macule leur chemin
de son fusain qui bave  et plonge tout son fer
dans les gravats  d'un jour troublé par ses métamorphoses
Reste vent qui bruisse et larmoie,
enroule et  repousse  sans frein
la plainte des fleurs vers la mer.
La nature si vivante jusque dans l'inerte pierre
nous tend un lent miroir pour bien y réfléchir 
-on pense souvent plus clairement en marchant-
Romantique polissoir de l'âme,
elle aiguise les sens, lie nos maux en tourmente,
apaise et repose en nous énergisant
Le grand phare lance un appel silencieux
Tu es là sans plus savoir l'heure ni l'époque dans le jeu des saisons,
ton coeur saoul de douleurs et bonheurs mêlés,
l'esprit crevé des angoisses de l'histoire trop sauvage 
Le phare, gardien du bord des terres et scrutateur de l'horizon,
se dresse et geint.
Tu perçois un son lourd assourdi par les vagues
Le cri rauque des vieux phoques s'inscrit-il en mémoire dans le sillage sonore des bateaux? 
Là-bas, si loin que les sentinelles ne peuvent les voir,
dans ces eaux de glace qui protègent notre globe,
un cataclysme s'est produit
Il se propage sur l'onde
La voix nous dit que ce monde se meurt
Nous le savons, vieil ours des mers
Il y a dans le cri de l'animosité - 
c'est une colère publique,
de celles qu'on peut porter lorsqu'on  en n'a pas, ou plus, une à soi
C'est une protestation générale 
qui ne supporte plus la fange intellectuelle et médiatique du moment
Vois-tu l'espace saturé d'immondices, ces détritus de haine,
le limon des peurs de notre humanité?
Le grand phare convoque dans ses lices les oiseaux messagers,
familiers des traversées outremer,
et leur confie sa supplique
Ils la diront peut-être aux habitants sédentaires
le long de leurs couloirs de migration ancestrale.
Je vous pardonne, terriens,
votre mal inconscient, fruit de vos désirs voraces et immatures,
tout ce qui fut nocif, involontairement, par aliénation, par ignorance du vrai soi,
je vous pardonne les fausses promesses,
les serments d'amour infondés comme alcool frelaté qui malgré tout enivre, 
je vous pardonne la marée noire toxique de vos dénis du réel,
je vous pardonne, mais je vous supplie
Ma prière est intense et je vous en conjure :
protégez l'intégrité de vos êtres,
prenez soin du chat qui vous regarde,
de l'arbre qui se penche au-dessus de l'enfant,
de la beauté indicible de l'amour pur entre vous.