Au bord de la falaise, la bruyère et l'ajonc apparient leurs couleurs
et l'âpre sente ourlée les porte vers le large
Dans l'éclat de la roche, il n'y a plus d'odeur
Le soleil et le sable ont séché les parfums
Jaunes et roses tissent les entrelacs de la lande
sans motif ils vont avec une joie discrète
jusqu'au prochain nuage
Vois: l'horizon se plombe et macule leur chemin
de son fusain qui bave et plonge tout son fer
dans les gravats d'un jour troublé par ses métamorphoses
Reste vent qui bruisse et larmoie,
enroule et repousse sans frein
la plainte des fleurs vers la mer.
La nature si vivante jusque dans l'inerte pierre
nous tend un lent miroir pour bien y réfléchir
-on pense souvent plus clairement en marchant-
Romantique polissoir de l'âme,
elle aiguise les sens, lie nos maux en tourmente,
apaise et repose en nous énergisant
Le grand phare lance un appel silencieux
Tu es là sans plus savoir l'heure ni l'époque dans le jeu des saisons,
ton coeur saoul de douleurs et bonheurs mêlés,
l'esprit crevé des angoisses de l'histoire trop sauvage
Le phare, gardien du bord des terres et scrutateur de l'horizon,
se dresse et geint.
Tu perçois un son lourd assourdi par les vagues
Le cri rauque des vieux phoques s'inscrit-il en mémoire dans le sillage sonore des bateaux?
Là-bas, si loin que les sentinelles ne peuvent les voir,
dans ces eaux de glace qui protègent notre globe,
un cataclysme s'est produit
Il se propage sur l'onde
La voix nous dit que ce monde se meurt
Nous le savons, vieil ours des mers
Il y a dans le cri de l'animosité -
c'est une colère publique,
de celles qu'on peut porter lorsqu'on en n'a pas, ou plus, une à soi
C'est une protestation générale
qui ne supporte plus la fange intellectuelle et médiatique du moment
Vois-tu l'espace saturé d'immondices, ces détritus de haine,
le limon des peurs de notre humanité?
Le grand phare convoque dans ses lices les oiseaux messagers,
familiers des traversées outremer,
et leur confie sa supplique
Ils la diront peut-être aux habitants sédentaires
le long de leurs couloirs de migration ancestrale.
Je vous pardonne, terriens,
votre mal inconscient, fruit de vos désirs voraces et immatures,
tout ce qui fut nocif, involontairement, par aliénation, par ignorance du vrai soi,
je vous pardonne les fausses promesses,
les serments d'amour infondés comme alcool frelaté qui malgré tout enivre,
je vous pardonne la marée noire toxique de vos dénis du réel,
je vous pardonne, mais je vous supplie
Ma prière est intense et je vous en conjure :
protégez l'intégrité de vos êtres,
prenez soin du chat qui vous regarde,
de l'arbre qui se penche au-dessus de l'enfant,
de la beauté indicible de l'amour pur entre vous.
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