dimanche 20 janvier 2013

Vrai ou faux

"La littérature seule peut exprimer l'impossibilité qui est la vérité".  Cette phrase énigmatique, tirée de "revivre", de Frédéric Worms, a soudain sauté de la page - coupé le fil de ma lecture, jeté une interrogation. Est-ce la une part de l'explication du secret de l'attraction profonde de la littérature sur moi? Certainement - le rapport de la littérature et de la vérité est un sujet rebattu, mais inépuisable,  et une source d'étonnement sans cesse renouvelé. N'est-ce pas précisément parce qu'elle ne prétend pas dire le vrai que la fiction littéraire permet de pointer la vérité, et du même coup son caractère impossible,    insaisissable, qui est une vérité au coeur de la vérité? Je ne peux accéder à elle que par le truchement du jeu de reflets et de miroirs qu'offre la littérature - prose, poésie ou théâtre, cela s'applique pleinement  aux trois, même si les mécanismes de chacun diffèrent. René Girard a magistralement exposé ce qu'il en est pour le roman dans "Mensonge romantique et vérité romanesque", mais je pense que cela va encore plus loin. L'oeuvre est un chemin d'accès à des réalités de tous ordres - relationnel, psychologique, social, politique; elle décrypte le monde social et interpersonnel, dans un processus d'interpellation et de projection du lecteur ou du spectateur, qui conduit aussi, forcément, au soi, à nos réalités intimes et prend, plus ou moins fortement selon les oeuvres, le caractère d'une navigation intérieure. La littérature est pour moi, fondamentalement indissociable d'une approche phénoménologique. Ce n'est pas une explication - qui est l'entreprise de la science ou la philosophie, mais un révélateur, qui dans son mode et ses processus mêmes, y compris ce qui se passe dans la relation de lecture ou d'écoute, infiniment divers et libres, réunit tous les attributs du vrai.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire