Première nuit de 2013, premier matin, et au réveil, bousculant mes plans et mes aspirations, ni sérénité ni plénitude, c’est l’inquiétude que je trouve pour m’accueillir dans cette nouvelle année. Passé un premier mouvement de déception et de rejet, je me ravise. L’inquiétude pourrait- elle être bonne? Plutôt que de m’ arc- bouter contre l’émotion qui m’ habite, je pourrais la prendre pour guide temporaire. Il y a après tout de quoi être inquiète. 2013 verra- t- elle la fin de la guerre en Syrie? La réalisation d’ un état palestinien indépendant et souverain? Le triomphe de la démocratie contre les tentations du despotisme quel qu’il soit? Une vraie législation anti- armes à feu aux États- Unis? Sans parler des luttes plus secrètes, qui se livrent en moi, et qui me laissent sur le qui-vive, dans l’aspiration d’un dépassement. Meilleurs voeux d’inquiétude, ou plutôt, d’intranquillité...sur laquelle Fernando Pessoa et d’autres ont écrit de bien belles pages, dont vous trouverez quelques extraits ci-dessous.
“J'ai duré des heures ignorées, des moments successifs sans lien entre eux, au cours de la promenade que j'ai faite une nuit, au bord de la mer, sur un rivage solitaire. Toutes les pensées qui ont fait vivre des hommes, toutes les émotions que les hommes ont cessé de vivre, sont passées par mon esprit, tel un résumé obscur de l'histoire, au cours de cette méditation cheminant au bord de la mer. J'ai souffert en moi-même, avec moi-même, les aspirations de toutes les époques révolues, et ce sont les angoisses de tous les temps qui ont, avec moi, longé le bord sonore de l'océan. Ce que les hommes ont voulu sans le réaliser, ce qu'ils ont tué en le réalisant, ce que les âmes ont été et que nul n'a jamais dit - c'est de tout cela que s'est formée la conscience sensible avec laquelle j'ai marché, cette nuit- là, au bord de la mer. Et ce qui a surpris chacun des amants chez l'autre amant, ce que la femme a toujours caché à ce mari auquel elle appartient, ce que la mère pense de l'enfant qu'elle n'a jamais eu, ce qui n'a eu de forme que dans un sourire ou une occasion, à peine esquissée, un moment qui ne fut pas ce moment- ci, une émotion qui a manqué en cet instant- là - tout cela, durant ma promenade au bord de la mer, a marché à mes côtés et s'en est revenu avec moi, et les vagues torsadaient d'un mouvement grandiose l'accompagnement grâce auquel je dormais tout cela.
Nous sommes qui nous ne sommes pas....”
Fernando Pessoa, Le livre de l’intranquillite.
“Oui un chant monte dans la nuit
Je n’en sais le pourquoi
N’en connais les paroles.
C’est un chant délivre
De tout ce que le chant possède.
Ce n’est que le chant de quelqu’un.
Il monte dans la nuit indépendant
de ce qu’il dit plus ou moins bien.
Il monte absurde et naturel
Je ne me souviens plus que je pense. J’écoute:
C’est un chant qui plan et qui plane
Comme vent sur la mer”
Fernando Pessoa, Cancioneiro
Retour.
L' Asie, maintenant loin, revient, me submer-
geant par moments, par longs moments.
Les pays où a compté souverainement «La
Paix Profonde» ne m'ont pas quitté. Envahisse-
ment profond. Envahissement-retard. Résur-
gence.
Pays rappelant période.
Dans mon enfance, sans comprendre, sans
communiquer, distant, je considérais les gensautour de moi, leur agitation dénuée de sens,
leur intranquillité.
En moi paix, détachement étaient combat-
tus. Enfant en Occident.
Henri Michaux, Emergences-Resurgences
Et dans un tout autre registre, Soren Kierkegaard:
Great Companion, You have loved us first
May we never forget that You are love,
So that this sure conviction might triumph in our hearts
Over the whirling of the world,
Over the inquietude of the soul
Over the anxiety for the future,
Over the fright of the past,
Over the distress of the moment.
May this conviction discipline our soul
So that our hearts might remain faithful and sincere
In the love which we bear to all those we love as ourselves.
Les maux vont aux corps, d'autres mots aux coeurs nous conduisant à l'heure de notre mort...
RépondreSupprimerSeul l'écho de mots entendus, dits, écrits vibrera encore
Maman qui transmet la vie, réponds à ton enfant!
: le malentendu n'est-il pas aussi graine de vie?